Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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00:00Dans Baby Girl d'Alina Reine, Nicole Kidman joue la PDG d'une entreprise de robotique mère et épouse accomplie
00:07qui noue une relation adultère avec un jeune stagiaire joué par Harris Dickinson qu'on avait adoré dans son filtre.
00:14Est-ce que le film est aussi sulfureux que son pitch, Ava ?
00:17Sulfureux je dirais pas mais en tout cas moi j'ai trouvé le film passionnant
00:20et pendant le visionnage j'ai beaucoup pensé à The Substance de Coralie Fargeat
00:24parce que ce sont deux films qui parlent le biais du cinéma de genre.
00:27Alors pour l'un le thriller érotique, pour l'autre le body horror
00:30mettent en scène deux femmes qui sont en crise par rapport à leur image.
00:35Alors vous l'avez dit là on est face à un personnage qui est une femme d'affaires, une mère, une épouse épanouie
00:42sauf qu'en réalité elle simule une partie de cet épanouissement
00:46et comme elle simule ses orgasmes d'ailleurs avec son mari quand elle fait l'amour avec lui
00:51elle simule parce qu'en fait elle ne veut pas qu'on découvre la réalité de ses désirs,
00:55ses désirs refoulés qui sont des désirs de soumission qui ne sont pas très raccords
00:59avec l'image de femme puissante ou en tout cas dirigiste qu'elle renvoie.
01:04Et ce que je trouve passionnant dans ce film c'est que du coup il nous raconte le trajet
01:08un peu psycho-érotique de cette femme, comment elle ne va plus pouvoir résister finalement à ses désirs
01:14et qu'elle va les réaliser avec un jeune stagiaire de sa boîte
01:18qui est en termes de déontologie quand même ultra problématique.
01:23Je voudrais juste recontextualiser un tout petit peu l'extrait pour ne pas qu'il tombe à l'eau
01:27parce que sinon on ne comprend pas vraiment la vanne.
01:29Quelques instants plus tôt Romy a rencontré dans la rue, en tout cas elle l'a vu,
01:33le jeune stagiaire de sa boîte qui est en train de calmer un chien énervé
01:37à qui il va donner un cookie et de le voir comme ça maîtriser la situation
01:41ça va lui donner un petit peu chaud.
01:43Donc là on peut partir effectivement en rencontrer ces deux personnages
01:47où là ils sont clairement dans leur rôle, elle est la bosse, il est le jeune stagiaire
01:51et je vais vous laisser apprécier juste la situation
01:54parce que vous allez voir comment une petite blague
01:57peut tout d'un coup faire vriller littéralement les rapports hiérarchiques.
02:21Et voilà le jeu a commencé et après les cookies ça basculera jusqu'au verre de lait
02:51et les produits laitiers.
02:53Là à l'écran il est très cinégénique ce duo, Marie.
02:57Très, d'abord Aris Dickinson que vous avez vu dans sans filtre,
03:02de Ruben Ostlund et dans plein d'autres films,
03:04ce qui mène une carrière assez futée.
03:06Il est beau comme un astre mais évidemment ce qu'apporte Nicole Kidman
03:12c'est colossal dans ce film, c'est-à-dire qu'elle apporte à la fois
03:16l'intelligence de son jeu, sa témérité absolue.
03:20On parle d'une femme de 57 ans qui se dénude,
03:23qui joue des scènes de sexe tout à fait filmées en gros plan sur son visage.
03:29Elle va très très loin dans ce film avec encore une fois je le dis
03:32beaucoup de finesse et de vulnérabilité, peut-être feinte.
03:37Et elle apporte aussi sa filmographie avec elle,
03:41parce qu'on est 25 ans après Eyes Wide Shut.
03:45C'est aussi un film de Noël, il y a sans arrêt un sapin de Noël dans le champ
03:49et il y a des images, on a l'impression même tirées d'Eyes Wide Shut.
03:53Enfin voilà, un plan sur elle dans un couloir, marche en nu, etc.
03:56Donc elle apporte ça, son bagage, toutes les séries qu'elle a faites après.
03:59Et puis elle apporte elle-même, c'est-à-dire son corps de femme de 57 ans
04:04qui se pose devant la glace, tu parlais de The Substance,
04:06il y a tout un prisme de la femme à son miroir.
04:10Et elle apporte aussi un questionnement sur qu'est-ce que c'est
04:13que ces femmes sans âge d'aujourd'hui, avec des injections de Botox,
04:16avec des choses comme ça, qui sont prises en charge par le film
04:19et tout à coup tout est troublé.
04:21Philippe, j'ai l'impression, c'est bizarre de vous voir si calme
04:23sur un thriller érotique, je m'attendais à ce que vous bondissiez dans le débat.
04:27Je travaille avec elle, je la trouve très bien, tout ce que dit Marie.
04:32Et puis avec ce jeu, il y a quand même la scène où sa fille lui dit
04:35« t'as vu ta gueule, on dirait un poisson mort ».
04:37Absolument, tout est flou en fait.
04:40Je trouve que le film en quelque sorte dépense ses cartouches
04:43dès la séquence d'ouverture, qui est une grande scène de sexe avec son mari.
04:46Et on découvre tout de suite après qu'elle est simulée
04:51et que du coup elle va se masturber devant un porno
04:53pour avoir quand même son orgasme.
04:55Mais ça s'entend au cri, parce que c'est pas le même cri.
04:57Et à mon avis, tout est là.
04:59Après, le moment où on voit le garçon avec le chien dans la rue,
05:04on sait exactement, c'est-à-dire que moi j'ai toujours un train d'avance sur le film.
05:07Elle ne réussit pas à pervertir les codes du thriller érotique.
05:09Et il y a l'ombre de Eyes Wide Shut, pour moi,
05:12qui est un film beaucoup plus fort, beaucoup plus étonnant.
05:15Le film est très programmatique.
05:17Le problème, c'est que c'est un problème qu'il y a.
05:19Non, pas du tout.
05:21Il survit tout le temps.
05:23Il dévie tout le temps les invaloris.
05:25Il est beaucoup moins programmatique que les thrillers érotiques.
05:27Et que les sont pitch.
05:29C'est totalement une fausse piste le thriller érotique.
05:31C'est pas du tout un thriller, c'est une comédie.
05:33Et c'est pas érotique non plus en plus.
05:35Parce que c'est extrêmement drôle.
05:37C'est sexy et drôle.
05:39Intelligent en même temps.
05:41Aline Larenne arrive à prendre en charge la dimension parodique du film.
05:45Parodique ?
05:47Oui, complètement.
05:49J'étais dans un état de sidération similaire à la fois où j'ai découvert Showgirls de Paul Verhoeven.
05:51On a l'impression d'un grand film qui est un peu barré, un peu malade.
05:55Et qu'on va sans doute redécouvrir dans beaucoup d'années.
05:57C'est tellement pas sage.
05:59C'est une fessée sans les mains.
06:01Il y a des scènes exceptionnelles.
06:03C'est une fessée sans les mains.
06:05Il y a des scènes exceptionnelles.
06:07Philippe le disait, le film abat toutes ses cartes.
06:09Il est photographié comme une pub Scorpio.
06:11Il a aucun regard sur lui-même.
06:13Et en plus, il est d'un conventionnel.
06:15Tout ça c'est pour nous rejouer le bonheur conjugal à la fin.
06:17Mais non, c'est tellement subversif en fait.
06:19C'est l'histoire d'une femme robot.
06:21C'est hyper subversif.
06:23C'est l'histoire d'une femme robot qui va retrouver son libre-arbitre et sa liberté
06:25en abandonnant son droit de décider à un jeune homme.
06:29C'est hyper subversif.
06:31En apprenant que la vulnérabilité n'est pas une vulnérabilité.
06:33C'est pas des rapports de dominations.
06:35Allez voir les dominatrices.
06:37C'est beaucoup plus ambiguï.
06:39C'est hyper intéressant parce que c'est vraiment
06:41ce truc de la chienne
06:43revendiqué comme une sorte d'étendard
06:45qui travaille l'imaginaire érotique
06:47du cinéma, etc.
06:49C'est la baby girl.
06:51Parce qu'évidemment, on pense à La Sévrine
06:53de chez Buñuel.
06:55Je ne me rapproche pas de la Sévrine.
06:57Cette espèce de Belle de Jour.
06:59Cette espèce de vernis grand bourgeois.
07:01Sauf que c'est adapté à aujourd'hui.
07:03C'est-à-dire qu'elle bosse.
07:05C'est une super épouse, une super mère,
07:07une super boss.
07:09Elle en a plein le dos.
07:11Mais ça travaille aussi beaucoup la question
07:13de la honte.
07:15La question du consentement.
07:17C'est assez passionnant de voir cet apprenti
07:19dominateur qui finalement est plus
07:21instinctif et tendre
07:23et a envie de faire plaisir à cette femme
07:25qui, elle, a envie d'être soumise.
07:27Mais en même temps, il pose sans arrêt la question
07:29du consentement. Et donc, ça vient confronter,
07:31frotter, frictionner deux générations
07:33avec, pour le coup,
07:35un dénouement parfaitement immoral
07:37dans les temps que nous vivons.
07:39Je trouve le film constamment surprenant.