Piratages de contenus sportifs : quels impacts ? avec Emmanuel Durand, Associé, cabinet DWF.
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00:00Piratage de contenus sportifs, quels sont les impacts juridiques ? On en parle tout
00:14de suite avec mon invité Emmanuel Durand, associé chez DWF. Emmanuel Durand, bonjour.
00:20Bonjour Arnaud.
00:21Les piratages de contenus sportifs mettent en péril les investissements et les droits
00:25de propriété intellectuelle des diffuseurs. Ils soulèvent également des enjeux juridiques
00:30complexes. Qu'est-ce que l'IPTV ? Quand est-ce que c'est légal et quand est-ce que c'est illégal ?
00:36Alors recevoir la télévision, traditionnellement, ça se faisait par vos RTN, par câbles, par
00:42satellite. Et l'IPTV, c'est simplement, du fait de l'évolution des technologies, notamment de la
00:47fibre optique, la possibilité de recevoir des contenus télévisuels via Internet. Donc l'IPTV,
00:53c'est simplement ça. Il y a des IPTV qui sont parfaitement légales. Par exemple, l'application
00:58MyCanal, c'est de l'IPTV. C'est un agrégateur de chaînes de télévision, c'est parfaitement légal.
01:03Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, quand on parle d'IPTV, on parle surtout d'IPTV illégale. C'est
01:08quoi ? C'est simplement des opérateurs qui vont pirater des chaînes de télévision et qui vont
01:15les proposer au public contre des sommes. Ce n'est pas gratuit en général, mais c'est des sommes qui
01:19sont en général inférieures aux offres légales. Pourquoi ? Parce qu'évidemment, ces opérateurs ne
01:24supportent pas les coûts, notamment d'acquisition des droits, qui sont supportés par les opérateurs
01:27légaux. Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, on parle beaucoup d'IPTV illégale, mais l'IPTV, c'est
01:30simplement un moyen d'accéder à des chaînes de télévision par Internet. Quel est l'état
01:34aujourd'hui de la consommation illégale de contenus sportifs en France ? Alors, l'Arkom a publié des
01:40études assez intéressantes l'année dernière, fin de l'année 2024, qui montrent que le piratage,
01:46de façon générale, n'évolue pas à la hausse. Et notamment sur tout ce qui est cinéma et sur ce
01:53qui est streaming, on constate que c'est plutôt à la baisse. Pourquoi ? Parce qu'il y a pas mal
01:58d'offres légales qui sont assez accessibles finalement. Par contre, ce qu'on constate,
02:02et ça c'est notamment le cas en matière de football, à la suite de l'attribution des droits
02:07à Dazen, c'est qu'en matière de contenu sportif, il y a une vraie évolution à la hausse. L'IPTV
02:13illégale et l'accès illégal au contenu sportif augmentent beaucoup, avec une tendance en plus des
02:20consommateurs à vraiment assumer ça via l'acquisition par exemple de boîtiers. Donc on a
02:25aujourd'hui pas mal de consommateurs qui, de façon tout à fait volontaire, vont accéder à des contenus
02:32sportifs de façon illégale. Alors du coup, quelles sont les conséquences, notamment sur le plan
02:37financier, pour les détenteurs de droits et pour les opérateurs audiovisuels qui ont acquis ces
02:42droits ? Le montant total des droits sportifs en France est de l'ordre de 2 milliards d'euros, et
02:48l'ARCOM évalue le manque à gagner de l'ensemble de la chaîne, que ce soit les diffuseurs, que ce
02:55soient les détenteurs de droits, à environ 300 millions d'euros. Et c'est vrai que c'est conséquent,
03:00ça touche l'ensemble de la chaîne, ça touche également le sport amateur par exemple, puisque
03:04vous savez que via la taxe Buffet, le sport amateur reçoit une partie des droits audiovisuels,
03:10ce qui n'est évidemment pas reçu du fait de la consommation illégale. Puis ça se crée un
03:17cercle vicieux, pourquoi ? Parce qu'il y a moins de moyens, s'il y a moins de moyens, il y a moins de
03:21possibilités d'investir, s'il y a moins de possibilités d'investir, il y a moins de qualité, donc moins
03:25d'attractivité, donc moins de moyens encore, donc c'est un cercle vicieux qui est assez dangereux.
03:29Quels sont les moyens juridiques justement pour lutter contre ce fléau, contre le piratage,
03:35et que risquent les utilisateurs de contenus illicites ? Alors le principal problème du
03:41piratage, c'est la réactivité. Si vous devez faire un constat d'huissier, aller voir un juge et avoir
03:47un jugement dans les deux ans, c'est trop tard, c'est trop tard, ça sert à rien. Et même en référé,
03:51la difficulté c'est que c'est une action a posteriori finalement. Et en matière de piratage,
03:57juridiquement, pour pouvoir lutter contre ça, il faut pouvoir faire des actions a priori. La
04:03difficulté, c'est qu'on est dans un état de droit, c'est que normalement c'est le juge qui est
04:06compétent pour ce genre de choses et pas l'administration. Donc on a on a on a une espèce
04:11d'équilibre à trouver qui n'est pas forcément facile. Alors qui a été trouvé à partir de 2021,
04:16il y a une loi qui a été adoptée, qui aujourd'hui est codifiée dans le code du sport aux articles
04:21333.10 et 333.11, qui est un espèce de système hybride qui fait une intervention du juge au
04:28départ et puis une intervention de l'administration, des autorités administratives via l'ARCOM,
04:31qui permet de réagir plus vite. Donc le juge, par le biais d'une ordonnance non contradictoire,
04:37va pouvoir bloquer un certain nombre de sites qui sont d'ores et déjà affirmés comme étant pirates.
04:45Et puis derrière, sur la base de cette ordonnance, l'ARCOM peut aussi intervenir pour bloquer des
04:53nouveaux sites, parce que les pirates sont très réactifs, ils ont des sites miroirs, ils sont
04:57ingénieux. Et donc sur la base de cette ordonnance, l'ARCOM, derrière, peut bloquer de façon très
05:04dynamique de nouveaux sites. Donc on a un système hybride qui est assez efficace. Mais pas suffisamment
05:10visiblement. Mais qui permet quand même d'avoir une efficacité plus importante. Après, sur les pirates
05:17eux-mêmes, un pirate c'est rien d'autre qu'un contrefacteur. Donc il y a les règles légales de la
05:22contrefaçon, avec trois ans de prison maximum pour un contrefacteur. Maintenant, très franchement, ils sont
05:28rarement basés à Paris et à Toulouse. Donc c'est très difficile de les attraper. Et puis sur les consommateurs,
05:33là encore c'est difficile. Le moyen le plus efficace, ce serait bloquer Internet. Maintenant, c'est une
05:38liberté fondamentale, finalement, d'accéder à Internet. Donc on a un système de reposte
05:44graduel, où l'ARCOM va envoyer un certain nombre de mails en cas de consommation de
05:51contenus illicites. Et puis derrière, en fonction, si le consommateur persiste, ça peut aller
05:57jusqu'à une action pénale. Alors en 2024, il y a eu 232 actions pénales qui ont abouti
06:04à une sanction, avec un maximum de 2500 euros d'amende. Donc il y a un rapport bénéfice-risque qui est fait par
06:09le consommateur. Et on voit bien de quel côté la balance peut pencher de ce côté-là.
06:14Donc en définitive, les moyens, ils n'apparaissent pas suffisants ?
06:17Les moyens sont rarement suffisants en matière de piratage. Vous savez, le piratage, c'est comme la
06:24lutte contre le dopage. C'est la course entre le gendarme et le voleur. Et le voleur, il a moins
06:29de contraintes. Il est en général plus efficace. Donc les moyens, juridiquement, très franchement, avec
06:35la loi de 2021, ils ont pas mal fait avancer les choses. Il y a eu des actions qui ont été
06:40diligentées à la fois par des diffuseurs, par Beyin, par Canal, par la Ligue de football, par la
06:44Fédération française de tennis, qui ont abouti à un certain nombre de blocages de contenus. Mais ça
06:50ne suffit pas, c'est très clair. Quelle est l'évolution de la jurisprudence sur cette question ?
06:54Alors je vous l'ai dit, la jurisprudence, elle a évolué à partir de 2021-2022 du fait
07:01de l'application de l'article 330-30. Donc on a eu pas mal de blocages de sites. Donc au niveau
07:08des pirates eux-mêmes, il y a des décisions jurisprudentielles qui sont importantes et
07:14intéressantes pour les détendeurs de droit. Et je vous l'ai dit tout à l'heure, par contre, au niveau
07:18des consommateurs, les actions sont assez peu importantes. Et puis au niveau des pirates
07:25eux-mêmes, la principale difficulté, c'est qu'ils ne sont pas en France. Alors je disais par exemple
07:29dans l'équipe que plus de la moitié des gens qui avaient regardé le Classico entre l'OM et le PSG
07:35avaient regardé ça de façon illégale. Qu'est-ce qu'on peut envisager pour la suite pour éviter que
07:42ce type de situation se reproduise ? Alors pour moi, il y a trois principaux axes sur lesquels
07:48il faudrait pouvoir insister. Alors le premier, il est juridique. Je pense qu'on peut encore aller un
07:53petit peu plus loin en matière juridique et notamment pour pouvoir bloquer les contenus
07:58plus vite encore. Bloquer les contenus plus vite, la difficulté, c'est que s'il y a une part
08:04d'arbitraire, vous savez, c'est toujours la même difficulté. Bloquer vite, c'est l'administration qui
08:08peut le faire et il faut quand même avoir des garde-fous. Maintenant, pour pouvoir aussi arriver
08:14à un meilleur contrôle du piratage, je pense qu'il y a un axe qui est important qui est la
08:18coopération internationale. Ça c'est important. D'avoir des lois au niveau français, c'est une
08:22bonne chose. Pouvoir les appliquer au niveau international et pouvoir avoir une meilleure
08:27coopération entre les différents pays, ça permettrait aussi d'aller plus loin en matière
08:32de lutte contre le piratage. Mais tout ça, ça prend du temps. Ça prend du temps. Le deuxième aspect,
08:36il est technique. Même si les pirates sont très inventifs, techniquement, je pense qu'il y a un
08:42aspect qui est important qui est aussi de mieux mettre les fournisseurs de VPN dans la cause.
08:50Les fournisseurs de VPN, le VPN c'est une sécurisation d'Internet. Maintenant, c'est aussi un chiffre
08:55d'affaires et ils le savent bien qu'il est largement lié à ce genre de pratique et donc ils sont
09:00prétissants potentiellement à le faire. Mais si on arrive à mieux mettre les fournisseurs de VPN dans
09:06ce genre de lutte contre ce type de pratique, je pense que ça fonctionnera mieux.
09:11Et le troisième, pour finir ? Le troisième, il est économique. Il est économique. Je veux juste citer une déclaration du président de l'ARCOM
09:18qui vient dire que quand il y a une offre à un prix équilibré et raisonnable pour le consommateur,
09:23le piratage disparaît. Et ça, c'est un point important. Lorsqu'on arrivera à proposer en matière de sport
09:30des offres économiquement plus accessibles, on fera un très très grand pas dans la lutte contre le piratage.
09:37Ça, ça veut dire qu'il y a une réforme assez importante à faire dans l'ensemble de la structure de vente d'aides audiovisuelles.
09:45On va conclure là-dessus. Merci Emmanuel Durand. Je rappelle que vous êtes associé au sein du cabinet DWF.
09:51Merci Arnaud.
09:52Tout de suite, l'émission continue. On va parler des 10 ans du CPF et on va envisager les perspectives.