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lls avaient 18, 12 ou 4 ans et ont connu l’enfer des camps de la mort. 80 ans après la libération d’Auschwitz-Birkenau, symbole du Mal absolu, des survivants des camps d'internement, de concentration et d'extermination nazis désormais installés aux quatre coins du monde livrent leurs souvenirs ainsi que leurs espoirs, peut—être pour la dernière fois.

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00:00J'ai décidé en 2015, comme je fais partie de la toute dernière génération, qu'il fallait que je raconte.
00:10J'ai souvent souhaité qu'ils me traitaient aussi bien qu'ils traitaient leurs chiens, mais ils ne l'ont pas fait.
00:16Le fond de cette histoire, ce sera toujours la férocité de ceux qui nous contrôlent.
00:31J'ai été considéré par mon père et moi comme un meurtrier.
00:36Ils nous ont emmenés de l'autre côté pour qu'on prenne nos vêtements.
00:40Ils nous ont lavés, ils nous ont donné ce uniforme.
00:47Et la première nourriture que nous avons reçue, c'était le lendemain, à midi, une boule de soupe.
00:55Une boule pour quatre personnes.
00:58Pas de couteau.
01:00Ils m'ont dit, tu n'es pas meilleur que les chiens.
01:04Mange.
01:06On l'a fait.
01:08Et plus tard, j'ai souvent souhaité qu'ils me traitaient aussi bien qu'ils traitaient leurs chiens, mais ils ne l'ont pas fait.
01:18Quand nous sommes arrivés là-bas, il nous a regardé et nous a envoyé à droite ou à gauche.
01:25Nous n'avions aucune idée de ce que ça signifiait.
01:28Mais on s'est rendu compte plus tard, il nous a regardé, il a pensé que je pouvais travailler, il m'a envoyé de l'un côté.
01:35Les enfants, les vieilles personnes, ont été envoyées de l'autre côté.
01:40Ils m'ont dit, tu dois être propre, tu as été entraîné pendant trois jours.
01:46Tu as besoin d'une douche.
01:49Et ils l'ont emmené dans un grand bâtiment qui s'appelle le bâtiment.
01:55Faites en sorte que vous sachiez où mettre vos vêtements.
01:59Puis ils l'ont emmené dans la salle de douche.
02:03Mais au lieu d'aller dans la salle de douche, ils l'ont emmené dans le bâtiment.
02:08Ils ont été tués, malheureusement.
02:12Ma soeur et ma mère étaient avec eux.
02:17Ils ont été tués et brûlés la nuit.
02:38J'ai 18 ans.
02:41Ma soeur a vu que je courais, elle a commencé à courir derrière moi.
02:46Mais ils l'ont vu.
02:49Ils l'ont brûlée.
02:51Ils l'ont emmenée dans le camion.
02:53Et elle est partie avec toute notre famille.
02:56Et je suis restée là.
02:59Après tout ce qu'ils nous ont fait, quand les camions sont partis, et jamais plus,
03:05la dernière fois que j'ai vu ma mère, je me souviens,
03:09le camp de concentration, en février 1943,
03:13c'est quand ils ont tué toute ma famille,
03:16après avoir déjà commencé.
03:19La terrible, terrible faim que nous avons suffit dans le ghetto
03:23quand ils nous ont emmenés il y a un an et demi.
03:26Et là, j'ai été déporté, avec la reste de ma famille,
03:30directement à Auschwitz.
03:33Et là, j'ai été choisi pour faire des expériences médicales.
03:38Mon frère est mort le lendemain, il est arrivé avec moi.
03:41Pourquoi? Pourquoi a-t-il été tué?
03:43Non, parce qu'ils m'ont choisi pour faire des expériences, il n'a pas.
03:46Et rien d'autre.
03:48La chance...
03:50Rien d'autre.
03:51Je n'ai même pas pu lui dire au revoir, l'embrasser.
03:54J'avais 12 ans.
03:56Je ne travaillais pas pour rien.
03:59Il n'y avait pas d'enfants de 12 ans.
04:02On ne peut pas trouver les mots exacts
04:08pour décrire ce que l'on a subi dans les camps.
04:15Le fond de cette histoire,
04:17ce sera toujours la férocité de ceux qui nous contrôlaient.
04:23J'ai eu la chance d'avoir la gale au mois de novembre 44.
04:30Si j'avais eu la gale au mois d'août 44,
04:33c'était la chambre à gaz.
04:36Tu as la gale, chouc, chambre à gaz.
04:40Ce n'était pas la gale, c'était la saleté, c'était la crasse.
04:45Jamais je ne m'étais lavé depuis que j'étais arrivée dans le camp.
04:49Eh bien, en me mettant ce produit, ça m'a lavé.
04:54Et ce que je prenais pour la gale, c'était la crasse.
04:58Toutes les photos que j'ai, et j'en ai beaucoup,
05:01elles sont dans ma tête.
05:03Mais je n'ai rien de ma soeur.
05:05Quand je pense à Sabina,
05:07tout ce que je vois, c'est la crasse.
05:10Et c'est la mémoire la plus douloureuse que j'ai.
05:14Malgré le fait que mes parents et ma soeur aient été tués le même jour,
05:20je ne savais même pas qu'ils étaient tués.
05:23Parce que j'ai été choisi pour travailler en tant qu'esclave.
05:27Mais ne pas même avoir une mémoire,
05:33une mémoire pictoriale de ce qu'elle ressemblait,
05:37juste la crasse, c'est extrêmement douloureux pour moi.
05:42Et quand je pense au Holocauste,
05:45la première chose qui me vient à l'esprit, c'est ma soeur.
05:53J'avais 6 ans et demi,
05:55et j'avais peut-être une faculté,
05:58quand c'était trop compliqué et trop dur,
06:01de me mettre dans une bulle et de ne plus être là.
06:05Dans le premier camp, après que j'ai eu toutes les maladies,
06:09que j'ai vraiment failli mourir,
06:12parce que le Fürth était un camp où les enfants mourraient de faim,
06:16de misère et de maladies,
06:19j'avais arrêté d'être présente.
06:23J'étais dans une bulle de malheur.
06:26Quelqu'un qui a eu 9, 10, 12 ans,
06:29il se souvient, tandis que moi c'est des flashes.
06:32Et comme personne n'en parlait,
06:35j'en parlais pas non plus.
06:37J'ai été nommé père, frère et moi.
06:42Donc on a une série de numéros.
06:46Je raconte à l'adolescence et à l'âge adulte
06:51mon histoire,
06:54parce que je pense que c'est une histoire
06:57qui est très importante.
07:00Et je le fais aussi pour les enfants
07:03qui ne peuvent plus raconter.
07:06Quand ils n'ont pas le courage de raconter ce qu'il s'est passé,
07:10je me sens obligé de raconter
07:13jusqu'à ce que je puisse.
07:16Ce que je fais,
07:19c'est qu'en tant qu'enfant,
07:22j'ai le droit d'en parler.
07:25J'ai le droit d'en parler
07:28pour qu'ils se souviennent du choc
07:31et des victimes,
07:34de la cruelté des nazis
07:37et de la mort que ma famille a su vivre
07:40et que les Jeux d'Europe ont su vivre.
07:43C'est très important qu'ils se souviennent.
07:46Je pense que,
07:49après que des gens comme moi
07:52qui ont vécu le choc
07:55et qui le racontent d'une première manière,
07:58c'est important.
08:01Et je pense aussi que,
08:04au long de l'histoire,
08:07cela va diminuer et diminuer
08:10et qu'il s'intègre dans les livres d'histoire
08:13comme un événement historique.
08:25J'essaie de croire
08:28que tous ceux qui m'écoutent
08:31deviendront des passeurs de mémoire
08:34et que les gens réfléchiront
08:37avant de dire « Oh, encore un Noir ! »
08:40« Ah, encore un Juif ! »
08:55L'humanité est capable
08:58d'aller le plus lentement possible
09:01et de commencer à tuer les gens
09:04d'une manière industrielle
09:07qui est incroyable.
09:25Et donc, c'est pour ça que je le raconte.
09:28Ils m'écoutent, je reçois des mots après,
09:31donc je me dis, quelque part,
09:34j'espère que je laisse une trace
09:37que ça a pu exister et que ça a existé.
09:40Quand mon mari a fait
09:43un texte que j'avais écrit
09:46sur les quelques souvenirs que j'avais,
09:49j'avais 50 ans, ma mère m'a téléphoné
09:52et elle m'a dit « Tu as écrit tout ça ?
09:55Je ne croyais pas que tu étais concernée. »
09:58Alors concernée, j'étais dans trois camps
10:01avec mon père et avec elle,
10:04mais je n'étais pas concernée.
10:07Et en fin de compte, ça rassurait un peu
10:10les parents de penser que les enfants
10:13n'étaient pas concernés.
10:23Je la connais bien, ton histoire.
10:26Chapeau !
10:29Ce qui restera de cette mémoire
10:32quand il n'y aura plus de survivants,
10:35c'est les traces de ce qu'ils ont laissé
10:38dans leur vivant, c'est-à-dire des films,
10:41des écrits, des livres, des vidéos,
10:44tous leurs témoignages.
10:47Notre parole n'est pas la même que la leur.
10:50Il y a une espèce de perte de parole.
10:53Je me demande quand elle ne sera plus là,
10:56quand on parlera, est-ce qu'on nous croira ?
10:59Quand je pourrais me faire le prêt.
11:02Pour ne pas oublier.
11:05Pour ne pas oublier.
11:11Le monde n'a appris rien.
11:14Les gens sont si hostiles
11:17aujourd'hui qu'il y a mille ans.
11:47Je veux avoir de l'espoir.
11:50Je veux avoir de l'espoir.
11:53Je fais tout ça pour apporter
11:56que ce soit accompli.
11:59J'ai peur, bien sûr que j'ai peur.

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